Publié le Vendredi 10 septembre 2010 à 12:00:00 par Pierre Le Pivain
Des hommes dans le noir
Dire que le scénario du Courtier de l’Ombre, pour Mass Effect 2, était attendu tient du doux euphémisme. Souvenons-nous. Dès le premier opus du jeu de Bioware, c’est une véritable nébuleuse remplie de mystères, de conspirations et d’intrigues, qui cachait l’identité d’un des êtres les plus puissants de l’univers de Mass Effect : le Courtier de l’Ombre. L’information est son commerce. Le renseignement est l’air qu’il respire. La connaissance de tout ce qui l’entoure, de la plus infime des particules à la construction la plus gigantesque, le concerne. Le Courtier de l’Ombre est une sorte de Dieu vivant de l’information… mais qui dit Dieu Vivant, dit, généralement, Dieu Jaloux… il refuse qu’on parte à sa recherche. C’est là où est le hic. Une certaine Liara T’Soni, compagnon, de route d’un certain commandant Shepard, et potentiellement maîtresse dudit commandant, a décidé de débusquer ce Dieu là… Deuxième Hic : le commandant Shepard, c’est le personnage principal de Mass Effect, incarné par le joueur (oui, je préfère apporter cette précision : il y a des gens qui ne connaissent pas forcément Mass Effect).
Le Courtier de l’Ombre est sans doute le DLC le plus important pour Mass Effect 2. Comprenez par là que non seulement en quantité, ce DLC est imposant, rajoutant bien plus d’une simple heure de jeu à l’ensemble, mais en plus, rajoute une profondeur et un background très puissant au scénario original, que ce soit pour Mass Effect 2, ou pour le très attendu Mass Effect 3. Le Courtier de l’Ombre est un scénario pivot, qui réalise une transition absolument remarquable entre le deuxième volet de cette saga, et celui à venir.
Décortiquons un peu les choses. Tout tient dans un savant équilibre des genres au sein de la même création. On part d’une intrigue basée sur de l’espionnage, pour passer à de l’intrigue policière, et enchaîner sur de l’action chargée jusqu’à la gueule d’adrénaline. L’ensemble du scénario est séquencé comme un long métrage, chacune des séquences ayant une importance majeure sur le déroulement de l’action suivante.
L’ensemble de ce scénario tient, globalement, sur la maîtrise de l’unité de temps et de lieu répartie sur 3 zones distinctes. On commence piano par une mise en bouche plus proche de l’enquête policière qu’autre chose, avec une montée en action à travers un immeuble éventré par une explosion. Cette phase est courte mais néanmoins importante pour bien installer les protagonistes. Puis, le rythme passe à l’allegro à partir d’une poursuite en voiture volante, figure imposée tant ludiquement que cinématographiquement, pour s’achever sur une confrontation nerveuse aux abords d’un lupanar Assari. Et on passe Fortissimo dans le repaire improbable, mais néanmoins très concret, du Courtier de l’Ombre, à travers on incroyable vaisseau, confronté à sa garde personnelle. Restent la fin, l’épilogue, et les récompenses dont je me contenterai de dire qu’ils sont dignes d’un uppercut pleine-mâchoire à travers toutes les promesses tenues, comme un passage qui affranchit dignement le joueur pour qu’il puisse passer de Mass Effect 2 à Mass Effect 3.
Coda !
Inutile de préciser que l’ensemble jouit d’une direction artistique absolument remarquable. Graphiquement, Mass effect 2 n’a jamais été aussi abouti. Les ambiances sonores, les dialogues, et surtout les doublages sont d’une très grande qualité, et les séquences cinématiques servent aussi bien le scénario que le gameplay. « Perfection » est maître mot pour qualifier ce DLC.
L’une des grandes forces de ce DLC est d’imposer un rythme dans le gameplay, et aussi une grande diversité dans la narration. Témoin de l’imposition de ce rythme, la séquence de la poursuite en taxi volant, au milieu des tours d’Illium, qui balance aux oubliettes tout ce qu’on a pu faire avec l’Hammerhead, relégué au rang d’auto-tamponneuse. Le courtier de l’Ombre prend proprement le joueur par les gonades, et le plonge brutalement dans son univers en lui proposant de faire sortir les tripes de sa plate-forme de jeu. Si on ajoute à cela la couche supplémentaire de gameplay autour des liens qui unissent Shepard et Liara T’Soni, et surtout l’interprétation qu’en donne ce DLC, on est devant une alchimie de jeu quasi parfaite.
Autant le dire tout de suite, le Courtier de l’Ombre réuni à lui tout seul à peu près 90% des choses qu’il faut absolument faire dans ce genre de jeu si on veut le réussir. Non content de s’appuyer sur un moteur graphique qui a fait ses preuves dans sa globalité, au point de pardonner quelques bugs d’affichage, mais cette fois-ci bien plus discrets que ceux qui avaient émaillé la sortie de Mass Effect 2, le scénario, la mise en scène, et le gameplay sont d’un grand raffinement, imbriquant entre-elles les scènes de dialogues avec les scènes d’action d’une manière beaucoup moins systématique que ce dont on s’attendait. Ajoutez là-dessus un scénario impeccable pour ne pas dire « royal », et vous aurez tout ce qu’il faut faire dans un jeu vidéo – RPG. Dans ce cadre précis, un simple DLC donne une véritable leçon de jeu vidéo à bien des productions du moment. Pour être réussi, Mass Effect 3 devra obligatoirement être habillé de la même étoffe que ce DLC… Le Courtier de l’Ombre est devenu la référence qualitative du genre RPG en jeu vidéo.