Publié le Mercredi 26 mai 2010 à 12:00:00 par Cedric Gasperini
Et pour quelques dollars de plus...
Le Far-West est un genre totalement sous-exploité dans le jeu vidéo. Et pourtant, cette période de l’histoire semble toujours aussi populaire. Chaque homme a en soi les souvenirs de chapeau, de colt en plastique et de batailles mémorables contre des indiens imaginaires. De Rio Bravo à Règlement de comptes à OK Corral, en passant par Il était une fois dans l’Ouest, Pour quelques dollars de Plus, Le Bon la Brute et le truand ou Pale Rider, pour ne citer qu’une poignée de films célèbres, le Western est un genre qui a fait les beaux jours du cinéma et qui continue de séduire les générations nouvelles lors des énièmes rediffusions télévisées.
Pourtant, dans le jeu vidéo, rares sont les jeux qui exploitent cet univers. J’ai personnellement passé des heures et des heures sur l’excellent Gunfright, sur Amstrad CPC 464. Et puis il y a eu le mémorable Outlaws, formidable FPS de chez LucasArts qui pourtant n’a pas rencontré le succès escompté. On pourra aussi citer Call of Juarez, un FPS mou du genou de chez UbiSoft… et il y en a sans doute quelques autres… mais le genre attendait son Il était une fois dans l’Ouest. Son jeu culte qui ferait peut-être dire aux développeurs que oui, le Western, c’est bon, même en jeu vidéo.
Eh bien ne cherchez plus. Il est arrivé. Red Dead Redemption vient de sortir. Et c’est une merveille. Buggé jusqu’à la moelle, certes. Très imparfait et avec un nombre d’oublis ou de mises à l’écart franchement dommage, certes. Mais ça reste du bon. De l’excellent. Comme quoi quand la substantifique moelle est exceptionnelle, l’enrobage peut être douteux, peu importe, on appréciera quand même. Un peu comme un bœuf en daube : l’aspect est peu ragoûtant au premier abord, mais une fois en bouche, c’est un délice.
Vous jouez John Marston. Ancien hors-la-loi, vous rachetez votre « âme » et votre place dans la société en servant les fédéraux. Ceux-ci vous envoient capturer, morts ou vifs, les bandits qui servaient dans la même bande que vous.
Dans une intro somme tout assez moyenne, avouons-le, vous débarquez dans l’Ouest sauvage et… vous faites flinguer comme une buse. Sauvé par une propriétaire de Ranch, Bonnie, vous vous remettez tout doucement en rendant des services par-ci par-là. Vous en profitez pour glaner des infos et chercher de l’aide pour atteindre votre but : capturer mort ou vif les hors-la-loi, pacifier la région, et retourner vivre le reste de votre âge dans votre doux foyer avec bobonne et fiston.
La comparaison entre Red Dead Redemption et GTA est évidente. Déjà, parce que les deux jeux ont le même développeur, Rockstar. Mais aussi parce qu’ils suivent une trame principale « ouverte ». Comprenez par-là que vous irez effectuer les missions principales quand vous le déciderez. Entre temps, rien ne vous empêchera d’aller fureter sur toute la carte (énorme carte proposant villes, villages, ranches, fermes, et grandes étendues sauvages). Vous pourrez alors remplir quelques missions annexes, aller arrêter des bandits dont la tête est mise à prix, dompter des chevaux sauvages, aider des citoyens, chasser, cueillir des plantes, devenir un as de la gâchette… Le jeu propose une variété de missions et défis appréciables, certains vous offrant la possibilité d’acquérir de nouvelles tenues, de nouvelles armes, de nouvelles montures…
Les animaux sont nombreux, qui peuplent villes et étendues sauvages. Vautours, couguars, loups, coyotes, lapins, biches, cerfs, chevaux, serpents, oiseaux… sachant que vous pouvez tout tuer. Chevaux compris. Parce qu’un bon cheval est un cheval mort. Vous pouvez tout tuer, certes, mais aussi tout dépecer pour récupérer la peau et la viande, laissant à terre une carcasse sanguinolente.
En fait, Red Dead Redemption est un jeu extrêmement riche et plutôt « énorme » dans son contenu. Les vastes étendues que vous parcourrez sont variées, des montagnes au désert, aux plaines arides, en passant par les canyons… Il y a une multitude d’animaux. Vous croisez d’autres cavaliers qui vaquent à leurs occupations. Les villes grouillent de vie. Non, en fait, c’est tout le jeu qui grouille de vie. Et cela offre non seulement un réalisme accru, mais également une multitude de possibilité d’actions. C’est un rêve de gosse qui devient réalité. On est un cow-boy dans l’Ouest sauvage. Ici chassant une meute de loups qui veut s’en prendre à son cheval, là portant secours à une belle en détresse, là encore défendant un pauvre ère contre deux bandits, s’arrête jouer au poker, au jeu du couteau, ou à un autre mini-jeu disponible… A tel point que si la trame principale vous demandera à peine une quinzaine d’heures de jeu, il faut multiplier ça par deux, trois, voire pourquoi pas, quatre, pour avoir la durée de vie réelle du jeu. Parce que galoper dans la plaine devant un soleil couchant, parcourir la carte dans un train… tout ça n’a pas de prix. C’est un vrai bonheur.
Pour revenir à des choses plus concrètes, vous aurez un colt et un fusil pour vous défendre. Vous trouverez plusieurs modèles de chaque et pourrez choisir le bon selon votre quête. Parce qu’on ne chasse pas le bison avec une winchester, par exemple. Globalement, il n’y a pas trop de modèles disponibles. C’est dommage. Quitte à tricher un peu avec la réalité, les développeurs auraient pu multiplier les armes disponibles.
On pourra utiliser le lasso pour capturer ses proies, humaines ou animales, utiliser des remèdes pour se refaire une « santé », et j’en passe.
Le mode « Dead Eye » est toujours là : le temps se ralenti et vous pouvez alors viser plusieurs cibles. Une fois le temps du Dead Eye écoulé, vous shootez les cibles en un temps record. Pratique lors des confrontations face à plusieurs ennemis.
Les ennemis pourront être les bandits que vous décidez d’arrêter… ou les représentants de la loi. En effet, rien ne vous oblige à ne pas devenir un desperado de la pire espèce : tuer les gentils, parfois, c’est amusant. Mais votre tête sera alors mise à prix… Tout en sachant que, parfois, une balle perdue peut atteindre un innocent…
De la même manière les « points d’honneur » et de « réputation » définiront votre cow-boy. Tuer son propre cheval juste pour vendre la peau et la viande, par exemple, est tout sauf à votre honneur, justement…
En ce qui concerne le graphique, globalement, le jeu est plutôt joli. Pour avoir comparé la version 360 et la version PS3, certes, la version 360 est plus jolie. Nettement. Plus fine. Mais la version PS3 tient tout de même la route et assure tout à fait. Le jeu est très détaillé, les animations sont excellentes. On lui passera donc une jouabilité un poil rigide : la visée automatique merdouille parfois, et les fusillades peuvent s’avérer lourdingues quand vous devez faire appel à vos réflexes…
D’ailleurs le jeu souffre de défauts. De beaucoup de défauts. D’énormément de défauts, serait-on tenté de dire.
Les bugs, déjà. Innombrables. Bugs de collision, bugs d’affichage… bien plus nombreux sur la version PS3, semble-t-il, que sur la version 360. Les vidéos fourmillent aujourd’hui sur le net pour montrer ces pains… Pour en citer quelques-uns, outre les personnages bloqués dans des objets (le héros que l’on joue ou d’autres protagonistes), qui flottent à un mètre du sol, qui sont à un mètre enfoncés dans le sol… j’ai eu aussi un respawn (réapparition) intempestif d’un cheval attaché à une barrière : résultat, à force de l’abattre et de le dépecer, pas loin d’une vingtaine de cadavres se sont empilés… cheval qui disparait, qui meurt en heurtant un caillou… sans parler des missions annexes « foireuses », du genre sauver un type qui, parce que vous avez préféré aller ramasser un colt lâché par vos ennemis et ainsi récupérer quelques balles, avant d’aller lui parler, se barre au lieu de vous filer la récompense… il y a finalement trop de bugs pour en dresser une liste exhaustive.
Ensuite, on parlera des « oublis », qu’ils soient volontaires ou non, des incohérences ou des petites choses vraiment dommage du jeu. La première, obsédé sexuel oblige, est l’impossibilité d’aller prendre du bon temps avec une fille de joie. Merci au puritanisme gerbant américain qui trouve normal d’égorger un lapin ou flinguer un être humain mais qui s’indigne d’une simple, bestiale et bienvenue copulation. Ok, on nous sort que John Marston est fidèle à sa femme. Si, si. Il le dit lui-même dans le jeu. Soit dit en passant, juste après, dans ma partie, il expliquait à la propriétaire du ranch, Bonnie, qu’il vivait avec son Oncle… je me suis donc posé de sérieuses questions sur le côté Brokeback Mountain du bonhomme jusqu’à ce que, finalement, il avoue avoir un fils et une femme…
Donc John est fidèle. Sauf que là où ça ne cadre pas, c’est qu’on peut le jouer de la pire manière, en faire le pire salopard sur terre, à flinguer des innocents à tour de bras. Et du coup, ça cadre assez mal avec l’idée qu’on peut se faire de la fidélité. Tout comme le fait que, finalement, hein, les tentations sont nombreuses et ce n’est qu’un homme…
Bref, on aurait pu au moins nous laisser le choix.
On pourra regretter aussi qu’il n’y ait pas de grosse baston de bar, comme dans tout western qui se respecte. Qu’il n’y ait pas un peu plus d’humour façon Western Spaghetti… ou que l’intro soit si mauvaise : Le héros qui se présente seul, à découvert, face aux bandits, et qui attend de se faire shooter comme un âne.
D’autre part, la gestion des missions est assez mauvaise. Les différentes branches qui la composent sont mal imbriquées. Un exemple : après avoir fait une ou deux missions dans le ranch, au début du jeu, on vous conseille d’aller voir le shérif. De là, plusieurs missions sont alors disponibles. On vous explique par exemple que pour capturer un méchant, on lui tire dans les jambes… Sauf que non. Quand vous décidez d’aller capturer un bandit dont la tête est mise à prix, histoire de vous faire quelques piécettes supplémentaires, vous aurez beau lui tirer dans les jambes, vous finirez toujours par le tuer sans le capturer vivant. En fait, il faut d’abord finir toutes les missions au ranch : vous y récupérerez un lasso et pourrez, alors, capturer vos ennemis.
Dommage également qu’on ne puisse pas vendre des chevaux. On peut les capturer pour changer de monture, mais pas les vendre. Avoir son propre corral et pouvoir changer de cheval à l’envi aurait été un plus non négligeable. Et aurait pu aussi amener une autre dimension au jeu : par exemple, devoir embaucher des cow-boys pour garder ses chevaux, patrouiller la nuit pour flinguer les voleurs…
Tiens, en parlant de la nuit, autre gros souci du jeu à mon avis : on ne voit rien la nuit. Normal, me direz-vous… oui sauf qu’il faudra bien faire attention à ne pas faire de mission nocturne et plutôt attendre une visibilité meilleure : les méchants, eux, ont des yeux de chat et vous voient sans problème. Ils vous tirent comme un lapin tandis que vous, vous essayez de repérer l’éclair de l’arme, la fumée du fusil… c’est très très frustrant. On aurait d’ailleurs aimé avoir une horloge plus accessible, histoire de nous indiquer l’heure exacte continuellement (il faut appuyer sur Start pour avoir l’heure, tout comme pour pouvoir sélectionner la carte).
Vous en conviendrez : avec de tels reproches, tout autre jeu se serait fait descendre, c’est le cas de le dire. Et on aurait milité farouchement pour pendre haut et court les développeurs.
On peut toujours, notez-bien. Juste pour le plaisir. Mais il faut bien avouer que même lourd de défauts, pété d’imperfections, Red Dead Redemption reste une petite tuerie. Un bijou. Une petite merveille. Doté d’une ambiance exceptionnelle, d’un intérêt formidable, d’une aire de jeu monumentale, il captive le joueur dès les cinq premières minutes et ne le lâche plus pendant des dizaines d’heures. Le doublage est excellent, les personnages charismatiques, l’aventure passionnante… que demander de plus ? Un peu plus d’audace, sans doute. De sauvagerie, de sexe, de violence (où sont passés les enfants ?).
Enfin, pour conclure tout à fait, précision que le jeu dispose d’un mode multi. S’il offre des types de jeu classiques (deathmatch, capture the flag, et j’en passe, il a le bon goût de proposer des missions en coopération plutôt sympathiques. Un mode efficace, bien foutu, qui rallongera la sauce avec plaisir.
Bref, Red Dead Redemption est à n’en point douter le jeu du moment. Tout simplement indispensable.