Publié le Mardi 19 mars 2013 à 16:00:00 par Laurent Benoit
Electronic Arts débarque son CEO John Riccitiello
Déconnexion permanente
La « connexion permanente de Sim City est obligatoire et nécessaire, sans elle, le jeu est brisé et ne peut fonctionner ». C’est en gros ce qu’avait répondu Lucy Bradshaw, la manager/productrice d’EA au sein du studio Maxis, aux joueurs furibards qui n’arrivaient pas à activer ou lancer leur Sim City 2013, les serveurs du jeu n’ayant, comme d’habitude, pas été prévus en nombres suffisants.Il a suffi d’une journée pour qu’en réaction, un joueur hack les fichiers du jeu et réussisse à modder son exemplaire pour le faire parfaitement tourner sans aucune connexion au net, et sans plantages. Sur le net, l’indignation repart de plus belle. Maxis et EA sont sont bel et biens foutus de la tronche des joueurs depuis le début, au nom de la technique. Damage control immédiat, Lucy Bradshaw tente de sauver les meubles en expliquant qu’ils auraient pu faire un jeu offline, mais que ce n’était pas la vision demandée par les joueurs, fans de connexion permanente.
« Vous aussi, vous la sentez, cette vague d'ovation, ce mouvement qui se lève du public de tous les genres, de tous les âges, de tous les continents, tous ces gens se dressant pour dire oui, pour acquiescer, pour réclamer la CONNEXION PERMANENTE ?! » (merci à Anton pour cette magnifique paraphrase, je ne suis pas l’auteur).« On ne s'est pas attardé sur une expérience d'une "unique ville isolée" comme nous l'avions fait précédemment avec les SimCity. Nous reconnaissons qu'il y a des fans, des gens qui aiment le premier SimCity - qui désirent ça. Mais nous avons également des retours de la part de milliers de gens qui jouent dans tous les pays, échangent, communiquent et apprécient la connexion permanente.»
Aujourd’hui, Electronic Arts a réalisé son plus bas chiffre d’affaire sur le dernier trimestre 2012, le lancement de Sim City 2013 est un échec qui fait passer celui de Diablo 3 pour un détail de l’histoire vidéoludique, et le second loupé de l’éditeur après la polémique qui a entouré Medal of Honor Warfighter l’année dernière.
Les ventes de Dead Space 3 s’effondrent, les joueurs pointant partout leur regret de la transformation absurde et facilitée du cœur du gameplay. Crysis 3 répond mieux, mais on parle d’une démo technique qui se termine en 5 heures en solo et dont le multi reste trop anecdotique.
EA a fait savoir que ses revenus et son bénéfice par action sont bien en dessous des attentes prévues pour janvier 2013.
Officiellement sans lien, c’est sans gros doutes cette série de casseroles retentissantes et la mauvaise image du groupe depuis quelques années qui ont obligé John Riccitiello, CEO de l’entreprise depuis 2007, à annoncer sa démission hier.
Larry Probst a été nommé président exécutif par intérim, en attente de choisir le nouveau grand patron de l’éditeur, et a salué le départ de John en lui beurrant le dos dans un communiqué d’EA pour annoncer l’arrêt de ses activités.
Probst fut le CEO de l’entreprise entre 1991 et 2007, année du rachat de Bioware et de la prise de fonction de Riccitiello à la tête du groupe. Il est également directeur du conseil olympique américain, ce qui aide pas mal quand on codirige une entreprise dont un pan entier est dédié aux jeux vidéo de sport. Probst est aujourd'hui directeur exécutif du conseil d'administration d'EA.
Aucun successeur n'a encore été désigné, mais Peter Moore, actuel COO (chief operating officer) d'EA (le second de Ricitiello, CEO), part favori.
Sans lui imputer « personnellement » tous les vices de la société depuis sa naissance, c’est bien la stratégie de Riccitiello qui a impulsé et transformé EA, amenant à de plus en plus de restructurations de licences et de studios de développement, à la tentative d’égaler Valve sur le terrain du marché virtuel avec Origin, à la communication outrancière et mal-assumée…
En dehors de la conquête effectuée par Battlefield 3 grâce à son statut de concurrent historique de Call of Duty, la plupart des licences AAA ont le drapeau en berne chez EA, à l’exception des Sims 3, qui ont toujours leur public, et de la gamme EA Sports, dont l’hégémonie rayonne sur les simulations sportives.
Et Need For Speed, qui dans une moindre mesure, fait ce qu’elle peut pour tenir la concurrence dans le secteur des jeux de bagnole.
Mais pour le reste, le constat est peu reluisant. Six ans après l’arrivée de Riccitiello, Crysis n’est plus qu’un nom commercial qui n’a pas grand-chose à voir avec le FPS sorti par Crytek à l’époque, Mass Effect a réussi à bien se vendre et se conclure, mais un coffret Trilogie foireux a déçu les consommateurs fin 2012, Dragon Age 2 s'est vu pressurisé par EA pour la rentabilité au grand dam des fans, Dead Space est devenu un vulgaire TPS, Medal of Honor a fini re-cryogénisé (mais ils ont quand même fini par reconnaître qu'ils avaient fait de la merde), Army of Two n’intéresse plus grand monde, Bulletstorm et le reboot de Syndicate sont mort-nés, la grande tentative MMO de Star Wars The Old Republic n’a pas percé… Quand à Mirror’s Edge, les joueurs attendent encore son retour.
Tout n’est pas sombre. La trilogie Mass Effect reste une bonne série de RPG, Dragon Age 1 est un excellent jeu, EA a sorti quelques agréables surprises telles que The Saboteur ou le diptyque Shank, etc…
Mais dans l’ensemble, les consommateurs américains se sont par exemples entendus pour décerner à l’entreprise le titre de « pire entreprise de l’année » en 2012, devant AT&T (télécoms américains) et Bank of America, dans un classement effectué par le magazine Consumerist.
La sortie d’un nouveau Command & Conquer, anciennement Generals 2, désormais axé uniquement sur le multijoueur (pas de solo), devra convaincre les vieux briscards du jeu de stratégie pour réussir à se vendre, sans quoi EA pourrait essuyer un nouvel et cuisant échec, au regard des moyens mis en œuvre dans son développement et de la volonté d’EA de communiquer sur le côté "authentique" de cet opus et son "retour aux sources", après un C&C 4 jugé atroce par les fans de Kane et du Tiberium et l’échec du Tiberium Alliances en freemium sur navigateur.
Mais pas d’inquiétudes pour la trésorerie d’EA, elle devrait remonter en flèche avec l’arrivée de Battlefield 4, dont l'annonce officielle sera fait le 27 de ce mois.
Avant d’être CEO du groupe, John Riccitiello a travaillé comme manager et directeur marketing chez Pepsi, Wilson ou Häagen-Dazs, avant d’arriver chez EA en 1997, au poste de COO jusqu’en 2004, avant de co-fonder Elevation Partners, un fond d'investissement spécialisé dans les propriétés intellectuelles (IP).
Il est aussi membre du conseil d’administration de l’école des arts du cinéma de l’Université de Californie du Sud et de l’école de commerce Haas du campus de Berkeley, université de Californie. Il sera à nouveau appelé par EA en 2007, jusqu’à sa démission cette année.
Riccitiello est à l’origine des grands chambardements de la compagnie, ayant expliqué en 2007 aux dirigeants qui faisaient appel à son aide que si EA voulait survivre, il allait falloir qu’elle se transforme. A l’époque, Ricitiello résumait l’état d’EA de la sorte : « nos jeux étaient mauvais, et nos coûts de productions énormes. Il fallait passer par la transformation du tout-dématérialisé pour survivre dans une industrie qui ne s’y est pas préparée du tout. Le plus gros défi serait le refus séminal de mes collègues, personne n’y croyait ».
Personne n’y croit encore, en tout cas pas au modèle de John. EA s’y est cassée les dents, avec un client Origin mal pensé, incitant presque au piratage de par ses problèmes récurrents, et affichant des prix outranciers alors que le dématérialisé était censé les faire chuter.
A un tel point qu’EA a fini récemment par conclure un accord avec Ubisoft pour mutualiser Origin et Uplay afin de combattre Steam (sur lequel EA ne publie plus ses jeux) et qu’EA a depuis un moment forcé tous ses consommateurs à activer leurs jeux sur Origin et à passer par lui pour jouer, afin de gonfler les chiffres de son service.
En 2013, Valve domine toujours le monde de la distribution digitale, Gabe Newell rit grassement quand Riccitiello lui propose de racheter son entreprise, et Ubisoft, Square Enix, Microsoft, Sony et bien d’autres tentent l’aventure de la vente dématérialisée, avec souvent moins de déboires.
Alors que l’action d’EA ne cesse de perdre de la valeur depuis plus d’un an, de plus en plus d’actionnaires se sont mis à questionner publiquement les compétences de John Riccitiello en tant que CEO d’une entreprise aussi énorme. Dans les couloirs d’EA, sa démission n’était plus qu’une question de temps.
Le cas d'école Sim City 2013 sera-t-il enfin assez bruyant pour convaincre le successeur de Riccitiello qu’un autre modèle économique et/ou de DRM doit être envisagé ? Pas sûr, mais on peut espérer. John s’en va donc, fini d’être payé 800 000 dollars par an pour déglinguer les licences de l’éditeur. Il a jusqu'au 30 mars pour vider son bureau.
Mais je ne me fais pas trop de soucis sur lui, il trouvera bien quelque chose, et avec une fortune personnelle estimée à 10 millions de dollars, il a de quoi voir venir, Johnny. Les actionnaires ont rappelé qu'ils étaient contents de le voir dégager, l'annonce de son départ ayant fait grimper l'action EA de presque 3 %.
Allez, so long Jojo. Et EA, maintenant… déconnez pas les mecs, hein ? Sérieusement, « soyez corrects ».
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Je doute malheureusement que ça les fassent changer d'optique, mais au moins ils récoltent ce qu'ils ont semé...
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Un article qui clame ce que toute la presse spécialisée pense, et beaucoup de joueurs...
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Maintenant, est il encore sérieux d'avoir de l'espoir pour les prochains titres EA? ça fait bien longtemps qu'outre Mass Effect, j'ai lâché l'affaire.
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Ecrit par GamAlien
Maintenant, est il encore sérieux d'avoir de l'espoir pour les prochains titres EA?
Pessimiste que je suis, je n'ai plus d'espoir venant d'EA, seul le profit compte (ils ne sont pas là non plus pour faire du bénévolat)... Et l'avenir du jeux vidéo en général tend vers ce modèle de DLC à foison, de micro-paiements, d'enculage sur le prix du démat au même prix que le physique alors que tant d'intermédiaire ne sont plus là.... L'avenir est bien sombre en général pour nos porte-monnaies
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Ecrit par TdbSpideyUne société doit faire du bénéfice, mais il est plus facile de fidéliser que de chasser de nouveaux clients.
Pessimiste que je suis, je n'ai plus d'espoir venant d'EA, seul le profit compte (ils ne sont pas là non plus pour faire du bénévolat)... Et l'avenir du jeux vidéo en général tend vers ce modèle de DLC à foison, de micro-paiements, d'enculage sur le prix du démat au même prix que le physique alors que tant d'intermédiaire ne sont plus là.... L'avenir est bien sombre en général pour nos porte-monnaies
Vendre à perte pour le JV n'est pas encore dans les moeurs mais ca viendra. Cette industrie reste jeune.
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Donc, avec un peu d'espoir, et si le successeur n'est pas trop con, il serait possible qu'EA redevienne un éditeur respectable ?
Ou pas...
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Ecrit par 10r
Bravo pour la synthèse.
Un article qui clame ce que toute la presse spécialisée pense, et beaucoup de joueurs...
Pas encore assez de joueurs malheureusement...
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Ecrit par Milkshakeurlui et Larry Probst, avec qui il se partageait le poste de CEO en alternance depuis au moins 15 ans.
Donc, si j'ai bien compris, c'est en grande partie à cause de ce monsieur qu'EA s'est gravement barré en cacahuète ces dernières années ?
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http://www.metacritic.com/feature/game-publisher-rankings-for-2012-releases
En gros, en 3 ans EA a gagné la première place du classement metacritic, ce qui veut dire qu'en moyenne, ses jeux sont bien accueillis par la critique. (Je sais, c'est une moyenne, des critiques américains de surcroît troll off). Mais le constat est là : EA fait mieux que tout le monde, même des autres éditeurs américains.
Le problème est donc ailleurs : les plus gros investissement servent à sortir des bouses qui ne se vendent pas parce que le résultat doit plaire au plus grand nombre (Dead Space 3 ? Medal of Honor ?), l'image de marque désastreuse et les politiques commerciales n'aident pas à vendre les jeux qui ont pourtant un beau potentiel (sim city ? Origin ? DRM ?).
Pour rétablir la balance : améliorer l'image de marque, la politique commerciale et mieux placer les investissements. En gros, il y a du boulot !
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Ce n'est pas le metascore des joueurs.
Et comme il s'arrête à 2012, il ne prend pas en compte le lancement réussi de plusieurs jeux et le flinguage de Sim City.
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En gros, Riccitiello est l'exemple même du "EA Retirement Home", à savoir qu'aujourd'hui, EA compte plus de cadres quadra-hexa qui restent là pour toucher du pognon sans rien foutre que de créatifs, partis voir ailleurs. D'où une incompréhension totale entre les studios et l'exécutif business.
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